Plus de 1 500 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année en Martinique, pour laisser place aux constructions. A ce rythme-là dans 25 ans, celle qu’on appelle « l’île aux fleurs » ne sera plus qu’une île de béton.Depuis janvier dernier, le terrain agricole de l’habitation Lajus au Carbet, est en chantier. Un chantier colossal : 84 logements sociaux vont être construits sur des terres classées « AOC ».
Le maire André Charpentier a accordé un permis de construire à la société d’HLM Ozanam, en août 2010. Ce dernier projette aussi d’implanter un collège et une centrale photovoltaïque. Le PLU (Plan local d’urbanisme) est en instruction à la Région et la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). Le conseiller régional Louis Boutrin est monté régulièrement au créneau pour dénoncer « la disparition d’un joyau agricole du pays ».
Malgré le moratoire du président de Région du 16 septembre 2010 sur le respect des terres agricoles, les engagements publics des conseillers régionaux PPM et la présentation de l’atlas des paysages, personne n’a réussi à dissuader le maire du Carbet de se lancer dans cette aventure. Pourtant, la commune du Carbet dispose d’espaces fonciers constructibles au quartier Coin. Elle en est la propriétaire et a d’ailleurs signé une convention d’actions foncières avec l’Etat.
L’histoire de l’habitation Lajus est encore un exemple de la menace qui pèse sur nos terres agricoles et par conséquent sur notre économie et notre devenir.
Comme dans la plupart des DOM, les exploitations agricoles sont en voie de disparition. Entre les recensements de 1989 et 2000, leur nombre a chuté de moitié en Martinique, d’un tiers à La Réunion, et d’un quart en Guadeloupe. Seule exception, la Guyane, qui bénéficie d’une tendance inverse grâce au défrichement de la forêt et à l’arrivée de nouvelles populations.
L’urbanisation explique en grande partie la disparition des exploitations. En Martinique et à La Réunion, les sols agricoles ont diminué de 13% et de 11% en Guadeloupe. La surface agricole moyenne reste modeste dans les DOM : 3 hectares en Guadeloupe, 4 en Martinique et 5 ha à La Réunion.
La réduction du nombre d’exploitations devrait se poursuivre aux Antilles, en raison du nombre d’agriculteurs âgés. Plus de la moitié des exploitants agricoles martiniquais ont plus de 50 ans. La plupart dirigent de petites unités et ne pourront pas trouver de repreneur.
Le problème, c’est que les Antilles n’ont pas mis en place de politiques d’aides à la cessation d’activité comme c’est le cas à La Réunion, où de nombreux exploitants de plus de 55 ans ont pu quitter l’agriculture pour laisser la place à une population beaucoup plus jeune.
Aux Antilles, les jeunes qui ont choisi de se consacrer à l’agriculture recherchent désespérément une surface agricole exploitable, denrée devenue rare chez nous. Notre agriculture, dominée par les cultures de la banane et de la canne, est essentiellement tournée vers l’exportation. Nous importons la plupart des produits que nous consommons. La disparition des sols agricoles ne fait qu’aggraver le problème et nous éloigne un peu plus de l’autosuffisance alimentaire.