Triste réalité de la condition de nombreuses femmes aux Antilles: les violences sexuelles.
Alors qu’on célèbre la journée de la Femme jeudi, tentons de lever le voile sur une tragédie encore trop souvent tue, bien plus fréquente que les chiffres annoncés dans les statistiques.
Témoignages de victimes et analyse d’une spécialiste.Cela ne date pas d’hier, certes. Mais avec Internet et les vidéos, les violences sexuelles s’exposent. Les viols filmés et diffusés sur le web semblent être devenus le passe-temps favori de certains ados.
Il y a quelques semaines, une affaire de ce type défrayait encore la chronique sous nos alizés. Cette fois c’était en Guadeloupe.
Une collégienne avait été agressée sexuellement pendant une course d’orientation organisée par les enseignants de sport. Son agresseur était un collégien. Il était encouragé par un copain, également collégien, qui filmait le viol.
Voici quelques témoignages de victimes qui ont souhaité briser le mur du silence. Des propos recueillis par l’Union des Femmes de la Martinique et mis en scène l’an dernier, lors de manifestations contre les violences sexuelles.
« Je m’appelle Shana, je suis en 4ème. J’ai un copain que j’aime beaucoup. Une fois, il m’a demandé de l’accompagner chez un copain d’un autre collège. Quand on est arrivés, ils étaient plusieurs. Ils ont voulu me toucher, moi je ne voulais pas mais mon ami a dit que si je l’aime je dois le faire. Plusieurs fois, j’ai accepté et un jour, j’ai demandé à des copines de ma classe de venir. Depuis longtemps, on fait ça le mercredi. Aujourd’hui, mes copines ne veulent plus me parler. Moi non plus je n’aime pas ça, les garçons sont durs des fois et ils font mal. Mais j’aime mon copain, si je dis non, il va trouver une autre chou! Alors je le fais mais j’aime pas. Le soir, je pleure, ma mère ne le sait pas. Des fois, je veux mourir. »
« Je m’appelle Shirley, j’ai 15 ans. J’était très « amoureuse » de mon copain. Ce jour-là, je lui ai fait une fellation dans un couloir du collège, quand nous avons été découverts et obligés de donner des explications. J’ai dit que j’étais consentante, mais mon copain a dit qu’il ne m’a pas forcée et que c’est moi qui ai insisté, et que de toutes façons, il veut me quitter mais que c’est moi qui m’accroche. C’était pas vrai! J’étais tellement déçue, que je me suis énervée et j’ai enfin dit la vérité: depuis un mois, ses copains et lui me menaçaient de faire un « happy sleeping ». Ils m’avaient filmée à mon insu, et m’obligeaient à leur faire régulièrement des fellations, sinon ils diffuseraient le film sur Facebook. »
« Je m’appelle Simone. J’ai connu mon mari à 15 ans. J’ai fait des études et lui aussi. Nous avons une bonne situation. Depuis quelques temps, il a changé, il rentre tard le soir. Il a fini par m’avouer qu’il a une maîtresse. Il veut m’obliger à avoir des rapports particuliers: des plans à trois avec sa maîtresse. Mais j’ai refusé, alors il est fâché contre moi.
Sa maîtresse m’a appelée, en me disant qu’elle a accepté parce-qu’il est son patron et qu’elle a peur de perdre son travail.
Moi aussi, j’ai peur de lui parce-qu’il est méchant. Dernièrement, il y avait une fuite d’huile dans ma voiture, et j’ai failli en perdre le contrôle. Le garagiste ma indiqué que quelqu’un avait fait un trou dans le bac, et cela s’est reproduit avec une nouvelle voiture.
Je veux maintenant partir pour ma sécurité. »
« Je m’appelle Cynthia, j’ai 18 ans. Un samedi, je décide d’aller au cinéma, mais il y a très peu de bus ce jour-là.
Un homme s’arrête et me propose de me déposer au cinéma. J’accepte. A ma grande surprise, il n’a pas pris le bon chemin. Ce samedi-là, pour la première fois de ma vie, on abusait de moi en me menaçant d’un couteau. »
« Je m’appelle Philomène. Je suis âgée de 60 ans. Un jour que j’aidais ma fille à déménager, un ami à elle me propose de me ramener chez moi, afin d’y déposer des affaires. Sur la route du retour, il change de chemin et se dirige vers un champ de canne. J’étais surprise et quand j’ai compris qu’il voulait m’agresser, j’ai essayé de sauter de la voiture. Mais trop tard. Il m’a sortie violemment de la voiture, et quand il a vu que je me débattais, il a sorti son fusil à pompe, me l’a mis sous le menton et il m’a violée. Cet homme a été condamné pour ses actes. »
Pascale Benoit est sexologue spécialisée en criminologie et victimologie. Elle nous livre son analyse.
» On oublie qu’à notre époque déjà, il y avait déjà des phénomènes de violences sexuelles. Tout a toujours existé…Les chiffres dont on parle c’est à peine 10% de la réalité…Les violences sexuelles sont beaucoup plus répandues que ce dont on entend parler dans les faits divers.
C’est vrai que la stupeur, l’horreur vécue font que les jeunes filles ont rarement l’énergie d’aller tout de suite porter plainte…Mais en enterrant le problème, on risque de s’enterrer avec…
Le viol est limité dans le temps…mais avec Internet, ça reste sur le net. Donc c’est une autre maltraitante, c’est une autre violence plus durable encore…
Il serait peut-être temps de se rendre compte que homme-femme, c’est juste un chromosome de différent.On ne va pas en faire tout un plat et baser toute la société sur une inégalité alors qu’il y a un chromosome qui nous sépare…
Nous avons à construire le 21ème siècle… à tout casser pour construire et repartir sur des bases saines. Une base saine c’est: une femme égale un homme, parce-qu’une vie égale une vie. »