Polémique ou diffamatoire ?

Le directeur de l’hebdomadaire La Semaine Guyanaise, Alain Chaumet et le journaliste Frédéric Farine comparaissaient hier devant le tribunal de Cayenne pour répondre de « diffamation » suite à une citation directe de Joëlle Prévot-Madère, chef d’entreprise, et candidate à l’élection régionale d’avril 2010.

Selon elle, une partie du dossier journalistique de Frédéric Farine, paru quatre jours avant le premier tour des élections et dont le titre de Une était «Bruits de casseroles autour de Joëlle Prévot-Madère», avait porté atteinte à son honneur et lui avait fait perdre une chance de se retrouver au second tour. Sa liste avait obtenu 7,41% des suffrages.
Le dossier journalistique contesté s’étale sur douze pages du magazine et comprend, outre une interview de la candidate, une enquête concernant des prêts dont a bénéficié Joëlle Prevot-Madère en 1991 afin de monter un centre sportif. Pour ces prêts, la garantie de Conseil général de la Guyane, caution pour 50 % des ces prêts d’un montant de 3 852 000 francs, avait été sollicitée suite à des impayés.

Cette enquête de l’hebdomadaire révélait également le contenu d’un rapport de l’Inspection générale de finances (IGF) de mai 2000 qui épinglait la gestion de feu la Société financière de développement économique de la Guyane (SOFIDEG) auprès de laquelle Mme Prévot avait contracté « 4 prêts successifs » dont certains s’étaient retrouvés « en impayés ».
En 2003, rappelait l’hebdomadaire, une enquête judiciaire avait été ouverte sur la Sofideg et plusieurs membres de la famille Prévot avaient été placés en garde à vue sans que des poursuites n’aient été diligentées dans cette affaire.
« A quatre jours du premier tour, on sait pertinemment que cet article va faire mal à Joëlle Prévot-Madère » ont expliqué les avocats de la partie civile, Me Gay et Me Edmond-Mariette qui ont également estimé que les éditoriaux du directeur de la publication de l’hebdomadaire « soutenant la candidature de Christiane Taubira » indiquait les intentions du journal. « La rédaction est indépendante du directeur de la publication » a rétorqué Alain Chaumet.

Pour la partie-civile, le journaliste n’avait pas averti Mme Prévot-Madère de ses intentions et les articles sont « un habile montage. Des éléments issus de rapports et de différentes sources ont été regroupés à charge, c’est un véritable réquisitoire ». « Faux, a répondu Frédéric Farine, comment aurais-je pu inventer un rapport de l’IGF ? », au demeurant produit lors de l’audience par le journaliste.
Me Marcault-Derouard, avocat des prévenus, a estimé « que les assertions diffamatoires n’étaient pas clairement citées » dans l’assignation de la partie civile. Il a de plus ajouté que lors de cette campagne électorale, les autres candidats avait également fait l’objet d’enquêtes du journal. « Polémique ne signifie pas diffamatoire », a-t-il poursuivit, avant de résumer : « en somme, le journaliste qui plairait à la partie civile serait celui qui passe la brosse à reluire » et de rappeler « la liberté fondamentales de la presse ».

Le substitut du procureur a requis une amende de 8.000 euros à l’encontre de La Semaine Guyanaise. Le tribunal rendra son jugement le 10 mars.

Maltaverne