Case départ, le film qui dérange.

Demi-frères, Joël et Régis n’ont en commun que leur père qu’ils connaissent à peine. Joël est au chômage et pas vraiment dégourdi.La France, « pays raciste » selon lui, est la cause de tous ses échecs et être noir est l’excuse permanente qu’il a trouvée pour galérer. Régis est de son côté totalement intégré. Tant et si bien, qu’il renie totalement sa moitié noire et ne supporte pas qu’on fasse référence à ses origines. Délinquance et immigration vont de pair si l’on en croit ses paroles. Réclamés au chevet de leur père mourant aux Antilles, ils reçoivent pour tout héritage l’acte d’affranchissement qui a rendu la liberté à leurs ancêtres esclaves, document qui se transmet de génération en génération. Faisant peu de cas de la richesse symbolique de ce document, ils le déchirent.

Décidée à les punir pour le geste qu’ils viennent de faire, une mystérieuse vieille tante qui les observait depuis leur arrivée aux Antilles décide de leur faire remonter le temps, en pleine période esclavagiste ! Parachutés en 1780, ils seront vendus au marché comme esclaves. Les deux frères vont alors devoir s’unir, non seulement pour s’évader de la plantation mais aussi pour trouver le moyen de rentrer chez eux, au XXIe siècle.
Thomas Ngijol et Fabrice Eboué, deux trublions de l’humour issus du « Jamel Debbouze’s Comedy Club » sont bien sympa, mais au-delà de quelques bonnes intentions clichetons, ils pratiquent leur humour pour faire passer quelques messages.

Ils utilisent un procédé fantastique pour envoyer au temps des Antilles coloniales deux demi-frères noirs que tout sépare sauf leur mépris pour leurs origines. L’un, chocolat au lait et bourgeois, travaille au coeur d’une municipalité xénophobe, et renie tout son passé ; l’autre est black et vit de petites magouilles. Les deux usurpateurs, indignes de leurs familles respectives, vont découvrir leurs racines, sur une île régie par l’esclavagisme le plus brutal, à une époque où l’égalité était un concept irrationnel.

Malheureusement, ce qui ressort de cette situation sans vrai développement narratif, c’est la bipolarité des gags. D’un côté l’on ressent l’envie des auteurs de faire un buddy movie, à la façon de La chèvre ou des Visiteurs, un genre éminemment sympathique en soit, mais de l’autre il y a aussi cette tendance racoleuse à exploiter l’humour le plus vil du répertoire colonial, ce qui rabaisse vraiment le niveau du film. On s’amuse ainsi régulièrement à réduire l’esclave noir à son seul membre (leur sexe) ou à le comparer au singe. Pour arriver à leurs fins, les deux compères tirent sur toutes les minorités, les noirs, les juifs et les homosexuels.

En jouant avec les tabous du passé, ils se sont un peu leurrés en pensant que la comédie pouvait tout légitimer, même si le film présente un côté pédagogique pour les ignorants. L’art du mauvais goût peut-être jouissif, ici il est juste bêta. Qu’importe, le public antillais a aimé, comme « La première étoile », le noir tolère les blagues des blancs à partir du moment que c’est joué par des noirs. L’objectif étant de faire exploser le box office, les producteurs et les acteurs se sont remplis les poches, le public, lui, est retourné à la case départ !