Forum du CCEE : repenser la Guadeloupe de demain


Favoriser le dialogue des expertises…

Le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) tenait, les 4 et 5 avril au World Trade Center de Jarry, son 1er Forum, conçu comme “espace d’échanges sur certaines thématiques fondamentales au développement du pays et à l’épanouissement de sa population”. L’occasion avouée de “favoriser le dialogue des expertises”, et d’écouter techniciens et experts débattre d’une dizaine de thématiques concernant les politiques publiques mises en œuvre en Guadeloupe.

Institution consultative adossée à la Région Guadeloupe, le CCEE est la 3e assemblée des Régions françaises d’Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion) – et du tout nouveau département de Mayotte. Rappelons que ces Régions ultra-marines se définissent par un Conseil régional, présidé par un Exécutif assisté de deux instances consultatives : le CCEE, justement, ainsi que le Conseil économique et social régional (CESR).

Que faire de mieux ? Et surtout comment le faire ?

Entamée en juin 2012, la préparation de ce premier Forum a mobilisé trois commissions sectorielles, qui ont élaboré un programme d’intervention d’experts ciblant 11 thématiques, réparties, sur deux jours, en trois grands segments : Culture et développement touristique, Investissement dans le savoir et le bien-être, Vivre et partager ensemble dans un environnement sain.

 “Les analyses des experts consultés sont, en permanence, influencées par les mutations économiques, sociales et culturelles, les évolutions identitaires, les innovations technologiques et autres découvertes scientifiques”, rappelle la plaquette de présentation de ce premier Forum du CCEE.

La formation des acteurs culturels, les enjeux et pistes pour une contribution des industries créatives locales au développement durable, le coût des études hors Guadeloupe, la biodiversité, les ressources en eaux, les perspectives du “vivre ensemble”, l’avenir d’une Guadeloupe entre migration et vieillissement… autant de thèmes de réflexion et d’échanges (liste non exhaustive) abordés au cours de ces rencontres d’experts, mobilisés pour analyser l’existant, et penser l’avenir du département.

Sport et santé à  l’école

Parmi ces consultants, citons, à titre d’exemple, Georges Calixte. Ce politologue et maître de conférences à l’UAG, a livré ses propositions sur un thème d’actualité faisant débat parmi enseignants et parents d’élèves, en Outre-mer comme au plan hexagonal : la réforme des rythmes scolaires.

Extraits (les intertitres sont de la Rédaction).

« On peut constater, chez nous, une baisse significative de la culture sportive dès le plus jeune âge. […] Les solutions que l’on pourrait envisager pour y remédier doivent, bien sûr, tenir compte de la réforme des rythmes scolaires, prévue dès 2013 pour certaines classes d’âge, en 2014 vraisemblablement pour les ¾ d’entre-elles.

Valoriser les loisirs sportifs

La première solution de remédiation me semble être la nécessité d’opérer une “bascule de représentation”, afin de ne plus percevoir le sport uniquement à travers la pratique sportive de haut niveau. C’est en effet, hélas, une tendance, une convention naturelle assez commune de croire que le sport doit, quasi systématiquement, consister en la pratique de compétitions, vraisemblablement parce qu’il y a là une logique identitaire.

Il existe également, au niveau du sport, une dimension liée à l’émergence des loisirs sportifs, sous-tendue par la prise de conscience, sans cesse croissante, que la pratique des APS (activités physiques et sportives) doit être entièrement gérée par chacun d’entre nous.

Lors de la signature des contrats d’objectifs avec les associations concernées, les collectivités majeures (Conseil général, Conseil régional), qui financent toutes deux le sport, doivent contractualiser avec les clubs la mise en place d’activités de loisirs sportifs.

Réhabiliter les parcours sportifs

Deuxième proposition : l’opération initiée par le Conseil régional visant à développer les “parcours sportifs” doit se poursuivre. Mais elle doit davantage tenir compte de la situation particulière des îles qui constituent notre archipel.

On a connu, à ce propos, le cas, que l’on peut quasiment qualifier de “critique”, de la COM (communauté d’outre-mer) de Saint-Martin…

Il s’agit, en fait, de faire en sorte que l’implantation de ces parcours ne soit pas seulement choisie en fonction de la disponibilité du foncier, mais décidée en fonction des “territoires de santé” les plus déficitaires. Ou, par ailleurs, en fonction des territoires où le potentiel économique des habitants est le plus faible.

Ainsi, les parcours de santé pourront contribuer à une véritable  démocratisation du sport… tout en favorisant un véritable aménagement du territoire.

Repenser la prise en charge publique

Au moment où la semaine du sport à l’école passera à 9 demi-journées, avec un allègement des horaires quotidiens, se posera le problème de la prise en charge exclusivement par les collectivités territoriales.

Il en incontestable que ce ne seront pas les 50 € (par heure et par jour) en 2014, qui seront octroyés aux collectivités, qui régleront le problème de cette prise en charge. […]

Aménager les rythmes dans les collèges

Il faut, ensuite, revoir l’aménagement des rythmes scolaires au niveau du collège. C’est en effet dans ce cycle du cursus scolaire que la sédentarité se développe. En effet, le poids des programmes y laisse encore moins de disponibilité aux collégiens.

Les collectivités peuvent porter ce message au niveau du conseil de l’Education nationale, sachant que le Recteur d’académie dispose d’une marge de manœuvre en la matière.

Dans le même ordre d’idée, les politiques sportives au niveau national, au profit des collèges ou des écoles doivent s’ouvrir avec les associations.

Certes, l’UNSS (Union nationale du sport scolaire, NDLR) et l’USEP (Union sportive de l'enseignement du premier degré, NDLR) doivent conserver la maîtrise de la pratique sportive. Mais il n’est pas inenvisageable que, pour assurer la diversité des pratiques sportives et répondre au nouveau système de valeurs qui émerge chez les jeunes, des associations soient sollicitées dans le cadre de délégations de service public, qui pourraient être financées par l’Etat et les collectivités.

Une négociation doit pouvoir s’engager avec les partenaires sociaux représentant les professeurs d’Education physique.

Clarifier les compétences publiques

Enfin, l’Acte 3 de la Décentralisation doit être l’occasion de clarifier, entre les collectivités territoriales, la répartition des compétences en matière sportive. C’est certainement dans ce domaine que les compétences s’enchevêtrent le plus.

Dans le cadre du “Pacte territorial de gouvernance” envisagé par le projet de loi, le Conseil régional peut être désigné comme chef de file pour le sport de haut niveau, tandis que le Conseil général, en charge des affaires sociales et de la solidarité des territoires, peut être désigné comme chef de file pour les autres enjeux sociaux qui peuvent être satisfaits par le sport. »

Daniel ROLLÉ