Grève des stations-service : la pause « Baccalauréat »


Le siège renouvelé des pompes a pu parfois conduire à certaines ruptures de carburant…

La grève “sans date d'achèvement” des gérants de stations-service n'aura finalement duré que 2 jours. L'Intersyndicale n'a en effet pas voulu “pénaliser les lycéens qui passent actuellement les épreuves du Baccalauréat”. Les stations ont donc rouvert leurs pompes aux automobilistes dès le samedi 15 juin. Mais il s'agit – nuance de taille – d'une pause dans le conflit, et non d'un arrêt total…

"Nous avons décidé de suspendre notre mouvement… parce que nous sommes des hommes responsables." Patrick Collé, le président de l'Intersyndicale des gérants de stations-service en Guadeloupe s'est voulu didactique et persuasif, au moment d'évoquer les raisons d'une suspension de la grève aux allures d'avertissement pour le proche avenir : "Rien n'est réglé… Après le bac, notre mouvement peut reprendre à tout moment."

Une grogne unitaire largement suivi

Si les automobilistes, quelque peu soulagés, ont pu reprendre normalement le chemin des pompes d'approvisionnement en carburant (rechargées par camions-citernes dès vendredi dernier !), les gérants guadeloupéens n'en démordent pas : ce qui est clairement dans leur collimateur unitaire, c'est la menace sur leur activité que ferait peser le projet de décret défendu par Victorin Lurel. Le ministre des Outremers est en effet accusé par eux de vouloir “subtilement conduire la Guadeloupe et l'ensemble des DOM vers une libéralisation des prix”.

Une mesure qui, toujours selon Patrick Collé, aurait déjà conduit l'Hexagone à “la disparition de 35 000 stations et de quelque 20 000 emplois”. Sans que, pour autant, les prix à la pompe aient significativement bougé à la baisse.

“Ce que nous voulons, c'est préserver le système des prix administrés en vigueur Outre-mer. Il a le mérite de protéger l'emploi de nos pompistes et la survie économique de leurs familles”, argumente le président et porte-parole de l'Intersyndicale. Un millier de familles vivraient, en Guadeloupe, d'un système considéré comme “vertueux et exemplaire” par les grévistes “responsables”.

Le mouvement de blocage des pompes, “momentanément interrompu”, avait été largement suivi en Guadeloupe, par 97 stations sur les 107 que compte le département. Même mobilisation unitaire en Martinique, où près de 80% des stations avaient gardé pompes closes. A la Réunion, seules deux d'entre elles n'avaient pas suivi le mot d'ordre général. En Guyane, précurseur en la matière, la grève perlée se poursuit, avec son cortège de dysfonctionnements en tout genre (siphonages sauvages de réservoirs de voiture, braquages de stations et autres mouvements de grogne d'usagers exaspérés…).

La réaction en défense de Victorin Lurel

Le ministre des Outremers n'avait d'ailleurs pas vraiment apprécié l'initiative des gérants de stations-service de provoquer une grève "à durée indéterminée", au risque de paralyser l'activité économique des départements ultra-marins concernés et de pénaliser la vie sociale des plus démunis. Il l'a fait savoir dès le 12 juin, dans une note explicative à volonté pédagogique. Extraits.

“La politique de lutte contre la vie chère que le gouvernement a entamé depuis mai 2012 cherche à établir une saine concurrence dans les secteurs libres et une régulation rigoureuse des marges dans le secteur des prix administrés, comme les carburants. […]

Le secteur des carburants a dégagé un bénéfice net après impôt d'environ 50 millions d'euros en 2011 dans la zone Antilles-Guyane, et d'environ 40 millions d'euros à la Réunion et à Mayotte, sans compter les bénéfices des stations-service. […] Cela doit inciter les pouvoirs publics à être particulièrement exigeants en ce qui concerne la transparence des marges.

[…] Cet objectif de transparence ne peut être rempli dans le cadre du décret actuel. Il faut donc le réformer.

[…] Il n'est pas question et il n'a jamais été question de libéraliser les prix dans ce secteur. Si c'était le cas, il n'y aurait pas besoin de décret.

[…] La mise en consultation du projet de décret est lancée et il faudra encore l'étendre, par exemple aux organisations de consommateurs et aux organisations de salariés. La méthode est bonne et ne mérite pas des réactions de blocage prématurées.

[…] Le dialogue a vocation à se poursuivre dans les prochaines semaines, avec un triple objectif pour ce nouveau texte : la juste rémunération de tous les acteurs de la filière, la préservation des emplois et les garanties apportées au consommateur sur la loyauté des marges.”

Retour de flamme pour la pression syndicale ?

Le 21 juin, les épreuves du baccalauréat 2013 seront achevées. Le mouvement pourrait donc reprendre… d'autant qu'un autre événement "majeur" s'annonce, au plan de la pression syndicale à exercer sur les décideurs gouvernementaux : l'arrivée prévue du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en Guadeloupe, le 26 juin prochain…