Le mariage homosexuel, marqueur de mutation sociétale


Le “mariage gay”, sous les feux de l’actualité médiatique de dimanche dernier, se révèle un marqueur des mutations qui secouent la société française, sous toutes les latitudes où s’exercent les “valeurs” qui la fondent.

Selon un sondage IFOP publié le 8 janvier dernier par le magazine “Pélerin”, les Français restent très majoritairement (60%) favorables au mariage homosexuel.

Les opposants au projet de loi sur “le mariage pour tous” (présenté en Conseil des ministres le 7 novembre et devant être discuté à l'Assemblée nationale à la fin du mois de janvier) quant à eux, ne s'avouent pas vaincus. Ils battent le rappel : entre 35 000 et 80 000 personnes (selon les sources) auraient ainsi activement participé à la manifestation tenue à Paris le dimanche 13 janvier.

Les partisans et les opposants à cette loi transcendent l'opposition traditionnelle entre droite et gauche. Cette manifestation divise même l'extrême-droite. Contre toute attente, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a annoncé que son parti n'appelait pas à manifester, tout en laissant à ses élus et militants le choix d'y participer.

La bipolarisation semble à bout de souffle… Ces dernières années ont vu l'émergence d'une nouvelle génération de responsables politiques “pragmatiques” (mot revendiqué par Nicolas Sarkozy, en son temps, et par François Hollande aujourd'hui) qui se sont attachés à "désidéologiser" leur formation pour être plus libres de répondre à la complexité du monde. Une façon de coller à une société sceptique face aux “prêt-à-penser” hérités du passé.

Une promesse de François Hollande

Seul bémol, les Français considèrent, dans ce même sondage IFOP, que le mariage homosexuel est un “sujet secondaire”. Au sein même de la majorité, une quinzaine de députés socialistes et élus du club “la Gauche populaire” rappellent le chef de l'État à “l'urgence sociale” dans les colonnes du “Parisien”. “Les couches populaires qui ont joué un rôle clef dans l'élection de François Hollande nous invitent à hiérarchiser notre action, car elles attendent des réponses fortes sur le terrain du pouvoir d'achat et de l'emploi”, estime ainsi le député-maire d'Argenteuil, Philippe Doucet, l'un des animateurs de la Gauche populaire avec le député d'Indre-et-Loire, Laurent Baumel, et l'élu francilien François Kalfon.

L’ampleur de la manifestation dominicale parisienne contre le mariage homosexuel, promesse du candidat Hollande, fortement soutenue par le PS, a souligné l'importance accordée à la mobilisation sur les questions sociétales. Sans être hostiles à ces réformes, ces élus socialistes considèrent que l'électorat de gauche est d'abord en attente de protection sociale ou de signes concrets en faveur du pouvoir d'achat.

Le permis et l’interdit

Cela dit, les sujets dits “de société” sont ceux qui divisent le plus. Ils touchent à des valeurs personnelles et à la conscience de chacun…

Le débat public suscité par le “mariage gay” montre à quel point, en ce domaine, l'échelle des valeurs entre le permis et l'interdit se veut large au sein de notre société “libérale et démocratique”…

Lors de l'établissement du PACS, d'aucuns avaient établi une ligne de partage entre l’hétérosexualité et l’homosexualité reconnue publiquement. Seule l'homosexualité confinée à la sphère privée était tolérée. La frange la plus conservatrice de l'opinion estimait qu’en tolérant cette pratique privée, elle accomplissait un grand pas par rapport aux sociétés occidentales anciennes ou aux sociétés orientales, qui répriment l'homosexualité y compris dans la sphère privée et qu'il était exclu d'aller plus loin.

La PMA et la GPA

L'étape du PACS étant franchie, la suivante a débouché sur le mariage. Il ne s'agit plus de défendre une pratique culturelle, l'hétérosexualité, mais un symbole, une “institution”, le mariage, dont certains disent qu'il est religieux, d'autres anthropologique.

À l'instar des  poupées gigognes, la question du mariage a débouché inexorablement sur celle de l'éducation des enfants. Le débat sur le pluralisme sexué du couple, dont la nécessité pour l'équilibre de l'enfant voit le jour, est âprement discuté par les psychologues…

Cela participe du truisme,  mais avant d'élever des enfants, il faut en faire. Et voici que deux sujets apparaissent ; tout d'abord, celui du recours à la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples de femmes homosexuelles. Le débat, sur ce point, est déjà lancé en vue de la prochaine discussion parlementaire sur le “mariage gay”. En novembre , sur le site “pure player” Médiapart, un appel de cent députés avait été signé en faveur de la PMA pour les couples lesbiens.

Puis, indubitablement, viendra le problème de la GPA (gestation pour autrui) que ne manqueront pas de revendiquer les couples d'hommes homosexuels ; c’est sans doute là le point le plus  discutable, car permettant à des êtres humains d’acheter – n’ayons pas peur des mots ! – pendant 9 mois le corps d'une tierce personne…

À n’en pas douter, le débat le plus sujet à controverses.

Max PIERRE-FANFAN