Michel d’Alexis, le patron n’est pas mort.

La cinquantaine bien trempé, le chanteur et tromboniste Michel d’Alexis, fondateur du groupe Les Aiglons, a toujours conservé son style d jeune play boy. Ce groupe qui fait désormais parti du patrimoine guadeloupéen, fait encore danser une troisième génération de fanatiques.C’est à Bas du Bourg de Basse-Terre que Michel d’Alexis a été élevé. Son père était chauffeur routier et sa mère était servante. « Pour l’aider, se souvient-il, j’ai quitté l’école à 17 ans. J’ai travaillé au Tivoli en tant que garçon de salle pour aider ma mère à envoyer mes frères à l’école » Après son expérience cinématographique, Michel s’improvise docker à la Compagnie. « Dans le temps où les bateaux accostaient dans les rades ».
En 1966, il effectue son service militaire où il en profite pour passer tous ses permis de conduire grâce auxquels il devient comme son père chauffeur routier. Boulimique de travail, il ouvre une entreprise de peinture en bâtiment et à ses heures perdues, il vend des pains en voiture ambulante jusqu’à Trois-Rivières ou cultive la banane.
Avec ses frères et quelques amis, ils montent le groupe « Les Vicontes » qui deviendra par la suite « Les Aiglons ». La colonne vertébrale du groupe est composée de Michel Nerplat, Michel Monrose, Christian Yéyé et ses propres frères. « Nous avons adopté le nom des Aiglons, car à cette époque les groupes s’appelaient Les Léopards, les Jaguars alors nous avons aussi décidé de nous adapter ».
De bal en bal, Les Aiglons révolutionnent l’univers musical guadeloupéen. Un jour, un PDG d’origine haïtienne contacte Michel d’Alexis pour effectuer une tournée d’un mois et demi à New-York. De Brooklyn à Boston, ils iront jouer jusqu’au Canada. Ce sera la première fois qu’un orchestre guadeloupéen joue devant plus de 5000 personnes au Madison Square Garden. A leur retour ils écriront le tube « Californie ». « En jouant souvent sur les podiums et les cinémas, nous avons grimpé tous les échelons. Toutes les radios passaient le titre « Cong la », « J’ai fumé comme un dragon », nos premiers 45 tours étaient enregistré chez Célini et avec Jacky Dulice. Le premier 33 tours chez Debs. »
Lorsque le groupe sort « Cuis la » et « Le cerveau », les Aiglons remporte tous les concours de musique. « Le public nous adorait car nous sortions 3 albums par an et nous avons bousculé la musique haïtienne avec l’apport du synthé et des trombones. Depuis cela, les Haïtiens reconnaissaient un seul groupe aux Antilles : Les Aiglons ! Nos titres sont repris régulièrement en lambada et en troubadour. Notre couleur est particulière et incomparable, ce qu rend notre compas différent. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’a surnommé le compas Magma ».
Le groupe est le premier orchestre à avoir décroché un disque d’Or en vendant plus de 200 000 albums. Les joyeux lurons de Basse-Terre, sont également les premiers a avoir pris l’avion pour jouer à Aruba deux fois de suite. La première fois pour un spectacle, la seconde fois pour le carnaval. « Les gardes mobiles nous escortaient,  se rappelle-t-il, et des femmes nous attendaient tranquillement devant notre hôtel. »
Les bonnes choses ont toujours une fin. Le groupe s’arrêtera pendant une décennie et c’est en 81 que Michel d’Alexis remontera « Les Aiglons » nouvelle formule avec la participation de Gilles Floro et Philippe Dilo. Il sortira ensuite Love Star avec Jean-Michel Gustave dit Duflo et Klod Fostin avec qui il connaîtra un énorme succès avec « Limiè caché ». A la demande générale du public, le groupe se restructure et sort « Le poids lourds » et Konsyans en l’an 2000. « Les fanatiques sont toujours présents. Nos albums ne tombent jamais dans les soldes et je mets tout en oeuvre pour que notre musique garde sa couleur ».
Après plus e trente trois ans de carrière, le but de Michel d’Alexis est de faire redémarrer les prestations des orchestres dans les cinémas. C’est d’ailleurs au D’Arbaud qu’il fera la présentation du dernier album sur lequel il en profite pour lancer quelques messages à des personnes mal intentionnés. ‘ J’ai écrit « Konkirans délwayal » en direction des mauvaises langues qui passent leur temps à faire courir le bruit que le groupe a coulé ou encore que nos tarifs sont exorbitants. Je tiens cependant à leur faire savoir que le groupe est bel et bien là, et tant qu’il n’y pas de budget ou d’entrée payante, nous sommes prêt à jouer bénévolement.’
Le papy de la cadence tient toujours son magasin de disque à Basse-Terre. De nombreux projets bouillonnent dans sa tête, mais tant que rien n’est conclu, il joue la prudence. « Mon plus grand souhait serait que les organisateurs fassent jouer les groupes locaux avec les groupes haïtiens qui viennent jouer chez nous. Même s’ils ne font pas appel aux anciens, ils ont le devoir de donner une chance aux jeunes, car ce sont eux qui formeront la relève de demain. »
Alain Thétis