Un « frère de sang et de couleur » s’en va

Conseiller de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide avant d’intégrer la rédaction de Le Nouvelliste comme correcteur, Louis Emgba Mékongo s’est éteint dans la nuit du 9 au 10 janvier 2011. Le journal a cherché en vain la famille du camerounais qui considérait Haïti comme sa nouvelle patrie. Il a été finalement inhumé déjà l’église Saint-Pierre de Pétion-Ville, après 17 jours d’avis de recherche. La rédaction du plus ancien quotidien d’Haïti se souvient aujourd’hui encore de ce collaborateur venu de l’Alma mater.« Frère de sang et de couleur venu de l’Alma Mater, ta rencontre et ta collaboration au plus ancien quotidien d’Haïti sont des preuves tangibles que le monde est bien petit et que le combat pour la survie de l’espèce est le même partout », a témoigné Louis Gary Cyprien, responsable de la section économique de Le Nouvelliste. Entré dans notre univers sur la pointe des pieds, personne ne s’imaginait que ta disparition pourrait constituer une perte aussi douloureuse, a dit le journaliste comme s’il dialoguait avec le défunt.
La même émotion traverse toute la salle de rédaction qui se souviendra encore de cet homme élégant, rectiligne et respectueux que tout appelait, affectueusement, Monsieur Louis. Sous ses grosses lunettes et la plume à la main, se souvient Jean-Claude Boyer, il scrutait le texte, apportait les corrections nécessaires, puis passait au suivant. « Il était discret, racé, élégant. Je ne l’ai jamais entendu élever le ton. Il parlait à voix basse. Comme s’il voulait signifier que les gens éduqués n’élèvent pas le ton. Vraiment, un monsieur manière », a ajouté le chroniqueur.
De nationalité camerounaise M. Emgba a vécu pendant une dizaine d’années en Haïti respectivement comme conseiller du président Jean-Bertrand Aristide et comme correcteur au journal Le Nouvelliste. Homme rectiligne, Louis Emgba Mékongo avait fait ses études universitaires en France et avait passé une bonne partie de sa vie en Europe et aux Etats-Unis. Doué de très grandes capacités intellectuelles, ce correcteur émérite avait une maîtrise en Droit public. Auteur de plusieurs ouvrages dont « Afriques sans foi ni loi » publié en 1990 à Paris aux éditions La Bruyère, Louis Emgba Mékongo portait Haïti dans son coeur et caressait le rêve de voir notre pays s’engager sur la voie du progrès. « Malheureusement, Louis est parti au moment où le pays traverse une crise électorale », a regretté Lemoine Bonneau, secrétaire de rédaction du journal.