Nathalie Clément, directrice administrative des Liaisons Dangereuses et Linda Pierre, secrétaire devant leurs locaux à Marigot.
Peut-être encore plus qu’ailleurs, à Saint-Martin, la drogue fait des ravages. En effet, il est aisé de s’en procurer à moindre coût. Des solutions existent, pour aider les toxicomanes à sortir de leur accoutumance.
A Saint-Martin, il se dit que le vice n’est pas cher. « Globalement, les produits (drogues, alcool NDLR) sont moins onéreux qu’en métropole. Ils sont relativement faciles d’accès et courants d’usage. Du coup, c’est difficile lorsque que quelqu’un a envie de prendre des produits, de passer à côté », explique Nathalie Clément, directrice administrative des "Liaisons Dangereuses". Ce centre de prévention santé qui s’occupe aussi des infections sexuellement transmissibles, accueille en son sein le CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie).
L’objectif de ce centre est l’accueil, l’information, l’évaluation médicale, psychologique et sociale des toxicomanes et de leur entourage. Sa mission est la réduction des risques associés à la consommation de substances psychoactives ainsi que la prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative des personnes sous l’influence de produits engendrant une accoutumance.
En 2012, le centre a reçu 148 patients, pour un total de 535 consultations médicales. 25 personnes y ont été orientées par la justice, dans le cadre de compositions pénales.
Le cannabis, un danger sournois
« Le cannabis est fortement consommé ici. Mais il y a très peu de demandes d’aide. Les personnes vont venir pour un autre problème, ou une injonction (obligation de soin sur jugement du tribunal – NDLR) et au détour de la conversation vont affirmer qu’elles consomment régulièrement du cannabis », indique Nathalie Clément. Elle poursuit : « mais pour 80% des cas, ils ne considèrent pas cette addiction comme un problème, car elle est très banalisée et dans les Caraïbes particulièrement. »
Cependant, sa consommation chez les jeunes est un vrai problème de société ici. Julien 16 ans raconte : « je fume 4 à 5 joints par jour. Depuis deux ans, je n’arrive pas à me motiver, je sèche les cours. Même à la maison, je n’arrive plus à me concentrer, à faire mes devoirs, je n’ai plus de motivation pour rien. » Nathalie Clément, qui travaille depuis plus de 15 ans en toxicomanie : « je ne qualifie pas le cannabis de drogue douce. Pour moi, toutes les drogues sont à peu près similaires. Ce n’est pas le produit le problème. C’est le comportement et ce qu’on en fait. »
Elle poursuit : « j’ai travaillé pendant 12 ans dans un centre qui accueillait des héroïnomanes. Nous avions aussi quelques gros consommateurs de cannabis. Et bien, on ne voyait pas la différence. Il y avait ce même fonctionnement, ce même cercle de la dépendance. » L’environnement, les amis, toutes les relations, tournent autour de la consommation de drogue. Le groupe joue un rôle important.
Théoriquement, et contrairement à l’héroïne, la cocaïne, comme le cannabis, n’engendre pas de dépendance physique. « Mais la dépendance psychologique est très importante et c’est ça le plus dur », ajoute Nathalie Clément.
La spirale infernale du crack
La partie émergée de l’iceberg, ce sont ceux que l’on appelle communément les "crackés". En effet, leur dépendance aux "cailloux", qui sont des rebus de cocaïne, couplée à une importante consommation d’alcool, les conduit à la rue, à la négligence d’eux-mêmes et à des comportements hiératiques, voire dangereux. « Autant les autres drogues peuvent éventuellement se gérer, mais le crack monte très vite au cerveau, en 20 minutes, et redescend aussi très vite. Le toxicomane a envie de consommer toutes les demi-heures. Sa vie ne va plus tourner qu’autour du produit », souligne Nathalie Clément.
Elle affirme que « le crack est très destructeur. Les consommateurs perdent complètement pied et leur cerveau est très amoché. » « L’idéal pour ces personnes serait l’existence d’un CARUD (Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), où ces personnes pourraient être hébergées. La Croix-Rouge le fait un peu, mais elle manque de moyens », regrette Nathalie Clément.
« Faire un travail avec ces personnes-là, c’est vraiment difficile, car le produit va passer avant tout. Même si elles sont de la meilleure volonté du monde », précise-t-elle.