Le « foot » a-t-il perdu ses valeurs ?


Victoire de l’Olympique de Marseille lors de la finale de la ligue des champions 1993

Le football est le premier sport en France et sans doute dans le monde. Comme tous les sports, il doit être un vecteur de valeurs telles le travail, le goût de la réussite, le dépassement de soi. Pourtant, il semble qu'aujourd'hui il n'engendre plus que scandales et faits divers, tant à haut niveau qu'à hauteur de nos villages. Le football a-t-il perdu ses valeurs ?

Richard Matinda, arbitre de la ligue martiniquaise de football, a été agressé le 22 décembre dernier. Ce n'était pas la première agression d'arbitre en Martinique, et sans doute pas la dernière.

Le sport est resté longtemps un rempart contre la violence chez les jeunes, le football en particulier, premier sport en France. Aujourd'hui, sur les plus grands stades de la planète ou sur les stades de villages, il se signale davantage comme vecteur de violences en tout genre.

Alors la question qui se pose : à qui la faute ?

Un profond changement ces 20 dernières années

Ces 20 dernières années ont vu une énorme mutation du football mondial. A la base, on y trouve des clubs comme l'Olympique de Marseille, en 1993, ou le Real de Madrid, propulsées à des niveaux quasi "galactiques" quelques années plus tard.

Ces équipes, composées des meilleurs joueurs du monde à leur époque, ont été montées à grand renfort de sommes colossales, jamais vues jusqu'alors en France ou en Europe. Les joueurs déjà adulés sont passés au rang de "stars" choyées, chouchoutées, bénéficiant de salaires dépassant l'entendement.

De tels changements au niveau de l'élite vont avoir des répercussions désastreuses sur le football amateur, le football "de village".

Des joueurs qui ont changé

A travers ce bouleversement économique, la mentalité des joueurs va se transformer également. L'avènement de l'argent "roi" va également imposer des retours sur investissements et la pression allant avec.

Les grands clubs de l'élite, avides de résultats toujours plus lucratifs, vont changer leurs méthodes. Au moindre ralentissement de performances, l'entraîneur est bien souvent traité comme un fusible. Les joueurs, représentant un véritable investissement, sont quant à eux traités comme des divas dès le plus jeune âge.

On le voit actuellement au Paris Saint-Germain, avec l'arrivée surmédiatisée de David Beckham. Qui était attendu : le footballeur ou le "Spice boy" ?

L'omniprésence du Qatar et de ses inépuisables moyens financiers ne fait qu'aggraver les choses. Au point que certains accusent les "rois du pétrôle" d'acheter la Coupe du Monde, qui se déroulera dans ce riche pays, aux dimensions géographiques réduites.

En pleine crise économique, au cœur d'une récession mondiale sans précédent, comment concevoir que de simples joueurs de football perçoivent des salaires frôlant l'indécence ?

 

 

La Coupe du Monde 2010 et ses dégâts

Le summum du mauvais exemple donné par l'élite s'est déroulé en 2010, lors de la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Alors que tant d'enfants de Martinique seraient prêts à tout donner pour pouvoir jouer un jour, ne serait-ce qu'une minute, un match de Coupe du Monde avec le maillot de l'équipe de France, nous avons pu voir à la télévision des joueurs peu concernés par l'évènement.

Des egos surdimensionnés, des divas capricieuses : ce sont ces tristes valeurs que l'équipe de France de l'époque a montré à tous les jeunes de France.

Certains observateurs attentifs du football ont émis l'idée que jouer en équipe de France soit considé comme un honneur et admis en forme de récompense à part entière, sans autre rétribution financière. Les joueurs de l'équipe de France ne sont pas – c'est le moins que l'on puisse dire – dans le besoin financier, étant plus que bien payés au seul niveau de leur club.

Knysna ou le mauvais cauchemar

L'apothéose du mauvais exemple a été donné lors d'un entraînement à Knysna, au cours de cette signifiante Coupe du Monde 2010.

Après l'exclusion logique de Nicolas Anelka, qui avait insulté son entraîneur, les joueurs avaient décidé de boycotter la séance d'entraînement et de faire grève. Une grève lors de l'évènement le plus important dans la carrière d'un footballeur, la France du football a cru faire un cauchemar. Les meneurs qu'étaient Franck Ribéry ou Patrice Evra ont, ce jour-là, fait plus de mal qu'on ne peut l'imaginer au football français et ce jusque sur les terrains des villages de France.

Que dire ensuite du "doigt" lancé par William Gallas à l'encontre des journalistes ! Quel exemple de respect envers l'autre ? C'est avec des gestes comme celui-ci qu'un arbitre peut ensuite se faire agresser sur un terrain de Martinique, au prétexte que son jugement d'homme aurait déplu.

 

Des dérives de plus en plus grandes

Aujourd'hui, le football s'enfonce dans l'horreur. Certains grands clubs européens n'hésitent plus à parcourir l'Afrique à la recherche de la perle rare. Ils achètent littéralement des enfants présentant quelques dons footballistiques. Ces enfants ont souvent à peine 15 ans. Ils sont repérés en Afrique, formés dans un grand club, puis revendus : c'est le retour – n'ayons pas peur des mots – à une pernicieuse forme de commerce triangulaire, au nom de l'argent et du spectacle à destination de spectateurs occidentaux victimes de la grande messe du football devenu abrutissante.

L'intellect des joueurs semble aussi touché, un joueur de l'équipe de France ne connaissant même pas l'existence du match légendaire France-Allemagne, lors de la Coupe du Monde 1982 en Espagne.

Voir un joueur de l'élite ne pas connaître l'histoire et les figures légendaires de son sport, et manifester tranquillement son total désintérêt pour de tels "détails de l'histoire" peut valablement amener à réfléchir.

Des répercussions régionales

Au niveau du football amateur, l'exemple de cette élite délitée a des répercussions déplorables. Les joueurs amateurs et plus particulièrement les jeunes prennent exemple sur leurs idoles, ce qui est normal et habituellement sain.

Aujoud'hui, prendre exemple sur les joueurs de l'équipe de France veut dire ne plus supporter la frustration, vouloir être adulé avant d'avoir prouvé quoi que ce soit et espérer, pour les plus doués, et n'avoir pour seul rêve que de se constituer une rente d'émir du pétrole.

Certains jeunes joueurs affirment vouloir jouer dans un club qui paie, pas forcément qui gagne. Un vrai champion voit d'abord les titres qu'il peut remporter afin d'entrer au Panthéon de son sport parmi les légendes. L'argent passe après. Un revirement de mentalité qui signe une préoccupante inversion des valeurs.

Quand la réussite sportive est là, l'argent suit. L'inverse est rarement vrai.

L'agression de Richard Matinda : l'illustration

L'illustration de cette dérive du football jusqu'à la sphère régionale : l'agression dont a été victime Richard Matinda. L'arbitre n'est qu'un être humain, beaucoup semblent l'oublier. Le 22 décembre 2012, Richard Matinda a sifllé. Un joueur n'a pas été d'accord et, sous l'empire de la frustration, l'a agressé.

Une agression violente dont l'infortuné arbitre souffre encore physiquement, mais aussi psychologiquement. Bien sûr, le joueur est coupable et doit répondre de ses fautes. Mais la Fédération Française de Football ne doit pas se dédouaner de sa part de responsabilité, la Ligue professionnelle, l'UEFA et la FIFA non plus.

Un joueur professionnel violent et irrespectueux ne doit pas seulement être sanctionné par les instances du football ; mais être civilement, et parfois même pénalement jugé responsable de son acte délictueux et en être puni, comme tout un chacun.

Donner l'exemple

Pour retrouver des dimanche après-midi sans violence sur les terrains de Martinique, de Navarre, de France ou d'ailleurs, c'est à l'élite de donner l'exemple.

Vivre de sa passion, en être un des champions, tel devrait être le viatique de tout joueur, le trésor le plus inestimable pour un Homme. Ce qui, pour lui, implique aussi des devoirs.

Pour un footballeur professionnel, répondre aux journalistes, répondre aux sollicitations des supporters (en particulier les enfants), véhiculer les bienfaits et les valeurs du sport font partis du job. Donner l'exemple en ayant des aventures avec des prostituées mineures n'est pas compatible avec l'esprit du sport défendu par le Baron Pierre de Coubertin. C'est pourtant le seul état d'esprit acceptable, estimable, pour peu que l'on se prévale d'aimer le sport.

La société tout entière, qui n'est évidemment exempte de responsabilité en la matiure, doit réagir tout de suite. Imaginez la réaction d'un enfant de 14 ans pratiquant le cyclisme, qui au vu des "exploits" passés de son idole, se déclare fou de Lance Armstrong, quand il apprend que son idole est un tricheur. Soit il est dégoûté par son sport, soit il fera pareil, avec l'idée de ne pas se faire prendre.

Les idoles sportives ont d'autres responsabilités que celle de marquer un but, elles doivent véhiculer l'esprit du sport et des valeurs les plus saines. La cupidité qui gangrène toute décence, tout esprit de mesure et de responsabilité, semble trop souvent le leur faire oublier !

François LABETOULLE