Voilà un an, en septembre 2011, Roland Toussaint prenait ses fonctions en tant que directeur du centre hospitalier Louis-Constant Fleming. En exclusivité, il nous dresse le bilan de ses premières actions et évoque les perspectives pour l’avenir. Interview.
Quelle était sa situation lorsque vous avez repris la direction du centre hospitalier ?
La situation était plutôt bonne parce que dans les hôpitaux des Antilles-Guyane où j’ai travaillé, il y avait pléthore de personnel. Les hôpitaux, comme les mairies, les crèches servaient d’amortisseurs sociaux. Ici ça n’a pas été le cas. Il n’y a pas trop d’agents et c’est ça qui coûte cher, le personnel. C’est un établissement petit mais avec tout : orthopédie, chirurgie viscérale, maternité, psychiatrie, urgences etc. C’est un hôpital relativement bien équipé. Le personnel attendait un directeur j’ai donc reçu un excellent accueil.
Quelles ont été vos priorités ?
Au bout de deux mois j’ai effectué un état des lieux et j’ai envoyé à mon autorité de tutelle un dossier sur ce que j’ai constaté. J’y ai noté qu’il fallait faire des travaux aux urgences pour améliorer l’accueil, augmenter le nombre de lits de soins continus. Les archives médicales sont dans un état délabré, j’ai insisté sur le fait de construire un nouveau bâtiment. Je pense aussi qu’il faudrait absolument qu’on ait l’autorisation de faire de la chimiothérapie ici. J’ai trouvé la permanence de soins des médecins trop onéreuse, les heures supplémentaires trop nombreuses. Il n’y a pas de marché public, ni de mise en concurrence pour les matières premières, les denrées alimentaires, je souhaitais le mettre en place. Ces derniers points permettent de faire des économies. Je leur ai annoncé un retour à l’équilibre en 4 ans. J’ai demandé de l’argent et le 30 décembre, j’ai reçu deux millions d’euros. Un million pour combler le déficit et un million pour investir. C’était encourageant. Le courrier stipulait aussi qu’ils voulaient voir les effets dès 2012.
Quels étaient vos principaux défis ?
Pour la visite de certification, il y avait deux réserves majeures qui étaient au dessus de ma tête comme un couperet : l’hygiène alimentaire en cuisine et la sécurité incendie. La contre-visite a eu lieu en septembre et j’ai le bonheur de vous annoncer que ces deux réserves majeures ont été levées. Ça grâce à l’engagement du personnel. Les agents ont bossé. Ils ont fait plus que ce qu’ils devaient faire. Il y a eu vraiment un engagement. Compte tenu du contexte, cet engagement a été moindre du côté du corps médical. Néanmoins des médecins se sont investis et s’investissent de plus en plus.
Une unité psychiatrique est en cours de construction, quand sera-t-elle opérationnelle ?
Les travaux vont prendre fin, début octobre. Nous avons commandé le mobilier donc certainement à la fin de l’année, nous pourrons ouvrir la cellule de psychiatrie.
Quelles sont vos relations avec les CHU de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France ?
Très bonnes ! Nous avons dans le cadre de notre coopération avec la Guadeloupe, la chirurgie enfant, l’urologie, la neurologie qui viennent faire des consultations avancées. Avec la Martinique : la cardio, l’orthopédie, la chirurgie viscérale. Des équipes viennent chaque mois. Lorsque vous avez des relations aussi proches avec un établissement, s’il y a le moindre problème, pour une évacuation sanitaire, l’avion est là en moins d’une heure.
Où en êtes-vous avec la chimiothérapie ?
Il y a des fenêtres pour faire les demandes. Notre demande est bien partie mais ce n’était pas la bonne fenêtre mais nous sommes optimistes. Il faut que nous ayons une convention signée avec le CHU et qu’un médecin vienne ici. Il y a ça à mettre en place et dans ce cas nous aurons aussi un petit laboratoire pour préparer les cytostatiques. Nous pensons que ça sera possible à l’horizon 2013. Le projet est là. Il est porté par les médecins d’ici. Il y a la volonté de la direction. La sécurité sociale est gagnante car elle aura moins de billets d’avion à payer et c’est un réel confort pour le patient. Aller en Guadeloupe une fois par mois pour un traitement d’une heure et demie, c’est une perte de temps et d’argent. Par exemple, ça faisait cinq ans que nous essayions de faire venir la chirurgie enfant ici. Nous avons réussi. Les enfants sont opérés sur place avec leurs parents à côté maintenant.
Le diabète fait rage à Saint-Martin, comment tenez-vous compte de cette spécificité ?
Il y avait un demi-poste de diabétologue-endocrinologue, j’ai créé un poste entier. Le poste a été accordé le 15 juillet et le médecin prendra ses fonctions le 15 octobre. Nous allons certainement développer des messages de prévention, communiquer autour de ça. Nous avons maintenant sur place : diabète, SIDA, tuberculose, maladies infectieuses, psychiatrie, urgence, SMUR… vraiment un hôpital complet.
Une affaire récente devant le tribunal a mis à jour des dysfonctionnements au niveau de la gestion des recettes jusqu’en 2005-2006, des mesures ont été prises depuis, qu’en est-il aujourd’hui ?
A mon arrivée, les choses avaient déjà été rétablies. Il y a un contrôle. Ce que moi j’ai fait, c’est pour la sécurité des agents. Quand j’ai pris mes fonctions, un agent allait le même jour de la semaine, à la même heure déposer les fonds à la trésorerie. Depuis j’ai pris un contrat avec une société de fonds qui vient à l’hôpital récupérer l’argent. Sinon, nous avons en interne des contrôles et ensuite le Trésor public, de façon inopinée, au moins une fois par an vient et vérifie toute la régie.
Le crash aérien a soulevé beaucoup de questions au sujet des évacuations sanitaires, qu’en est-il aujourd’hui ?
Aujourd’hui suite à une mise en concurrence, nous avons retenu une société qui, avec un avion neuf a remporté le marché. Cette société a acheté un deuxième avion neuf, un peu plus grand ce qui fait que nous pouvons transporter un brancard, une couveuse pour enfant et deux autres passagers. L’autre société a certainement fait du bon travail à un moment mais elle s’était engagée à améliorer sa flotte, elle ne l’a pas fait. Elle ne doit donc s’en prendre qu’à elle-même.
Vous avez mis en place un nouveau site internet, en quoi est-ce essentiel ?
La communication est essentielle. Le site est bilingue français/anglais et notre ambition c’est d’y ajouter l’espagnol. Nous choisissons déjà la société qui va nous refaire tout le câblage, courant 2013 nous choisirons les logiciels et nous avons la prétention en 2014 d’un hôpital numérique. Ça existe dans plein d’établissements privés, pourquoi pas ici ? Nous voulons vraiment être là pour la population. Le patient doit être au centre de nos préoccupations.