NE PAS PUBLIER SVP : Les épandages aériens du point de vue médical

La consultation publique sur l’épandage a rassemblé une majorité d’avis défavorables. Ce sera au Préfet de Martinique de trancher.Il n’est pas inutile, pour compléter la réflexion, de rappeler un certain
nombre d’éléments d’ordre médical insuffisamment pris en compte à ce jour.
S’Il est largement fait état des impacts de l’épandage sur le devenir de la
filière banane, l’enjeu sanitaire, bien que capital, est bien moins
documenté. Au vu des éléments disponibles, notamment dans le dossier
présenté en Préfecture, on peut redouter deux types de conséquences : celles
qui sont le fait du produit lui-même, et celles qui se rattachent davantage
au procédé utilisé, à savoir l’épandage aérien.


Le produit utilisé :

Le TILT 250 ECest un mélange de propiconazole et d’un excipient dérivé
benzénique, le tout dissous dans de l’huile de paraffine ; quelquefois, une
simple pulvérisation d’huile de paraffine est utilisée. Le propioconazole
est un antifungiquede la famille des triazolés. Les triazolés sont connus en
médecine humaine, où ils sont utilisés dans le traitement des mycoses. On en
connaît donc les effets secondaires sur l’homme, qui sont essentiellement
hépatiques ; il est à noter qu’ils ne sont pas conseillés chez la femme
enceinte et l’enfant en bas âge. Le solvant dérivé du pétrole entraîne, en
cas d’absorption ou d’inhalation, une pneumopathie (inflammation des
poumons).

L’huile de paraffine est bien connue et tolérée par voie digestive, mais
n’est pas habituellement utilisée par voie pulmonaire chez l’homme. Aucune
étude de toxicité humaine, ni à court ni à moyen terme, sur l’association de
ces trois composantsne figure dans la documentation disponible. Sur les
trois composants, il y en a un, le solvant benzénique, qui est connu pour
ses effets néfastes chez l’homme. Le TILT 250 EC,une fois répandu sur les
feuilles de banane, se retrouve dans le sol où il pollue la nappe
phréatique, les cours d’eau puis les aliments, pendant un temps que l’on
ignore à ce jour ; dans certaines régions utilisatrices, ce fongicide est
retrouvé dans l’eau de consommation courante et dans les aliments.Le TILT
250 ECest certes homologué, car il contient une dose de produits considérée
comme admissible selon des normes définies par l’organisme de référence. Cet
organisme ne tient nullement compte des spécificités du sol tropical, gorgé
de plusieurs centaines de produits chimiques pour une période pouvant
s’étaler sur plusieurs siècles.

Nul n’a testé l’association chlordécone + propiconazole qui va se retrouver
dans les sols martiniquais, puisque ce sont les sols de bananes qui
recevront les deux produits, mais on sait que les cocktails de pesticides
ont généralement des actions synergiques. Même si les doses utilisées sont
dites admissibles aujourd’hui, toutes les études environnementales montrent
que ce ne sont pas forcément les fortes doses qui sont dangereuses, mais
larépétition de petites doses, et que certaines périodes de la vie sont
particulièrement vulnérables, telles que la grossesse et la petite enfance.

L’effet carcinogène et perturbateur endocrinien n’est pas dose-dépendant
mais chrono-dépendant
et se manifestera à la génération suivante, 25 ans
plus tard. Nous nous retrouvons donc dans la même problématique que celle du chlordécone en 1991, soit 20 ans après. Un produit est interdit par la
Commission européenne, une dérogation locale est demandée, sans expertise
adaptée.
Or, nous constatons aujourd’hui en Martinique, et l’étude INSERM de
Guadeloupe conduite par Mr MULTIGNER l’a confirmé, qu’une imprégnation au
chlordécone pendant une longue période peut être responsable de cancers de
la prostate apparaissant des années après la fin de l’utilisation du
produit. Le chlordécone a été utilisé entre 1973 et 1993 ; or, vingt ans
après la fin de son utilisation, on observe en Martinique une augmentation
exponentielle de l’incidence du cancer de la prostate. Il s’agit d’une
véritable bombe à retardement d’une durée encore imprévisible.

Que le TILT 250 EC soit utilisé par voie aérienne ou terrestre, il se
retrouvera à terme dans l’alimentation aux côtés du chlordécone, du DDT et
des autres polluants organiques persistants. Toutefois, sa dangerosité n’est
pas la même selon la méthode employée. Par voie terrestre, l’exposition des
ouvriers est grande sur le plan pulmonaire pour une efficience moindre,
tandis que lors des épandages aériens, les ouvriers sont mieux protégés mais
la population avoisinante est très exposée. En effet, les particules
contenant le produit actif diffusé par épandage aérien sont très fines ;
même avec une météo favorable, elles peuvent atteindre les habitations
avoisinantes voire les passants ,et surtout, du fait de leur petite
dimension, elles peuvent rester en suspension dans l’air et se charger
d’autres polluants.

Ces micro ou nanoparticules se déposent facilement sur les alvéoles
pulmonaires qu’elles encrassent sans possibilité de détoxication naturelle ;
leur toxicité est bien supérieure à celle qu’elles ont par voie digestive.
L’intestin sait utiliser l’huile de paraffine et les triazolés, mais pas les
poumons. Les trois éléments constitutifs du TILT 250 EC représentent un
danger pour les poumons, avec un risque de pneumonie toxique chimique sans
traitement possible (à la différence des pneumonies infectieuses), et aussi
un danger pour le cerveau en cas d’inhalation. Enfin, les différents
documents de référence sur ce fongicide font état de l’éventuelle nocivité
de ses produits de dégradation, dont le dioxyde de carbone. Ce qui signifie
que son utilisation supposerait d’énormes précautions pour protéger la
population, sans parler des risques non connus qui ne se révéleront que dans
le long terme.

Les épandages aériens sont interdits, sauf dans des circonstances précises
où leur autorisation à titre exceptionnel peut faire l’objet d’un arrêté
préfectoral spécifique. L’avis de la population est alors sollicité. En
l’occurrence, il s’agit d’autoriser les producteurs de banane à répandre par
voie aérienne le TILT 250 EC, sur les plantations touchées par une maladie
extrêmement contagieuse, la cercosporose noire. Cette maladie affecte les
feuilles, pas les fruits, mais en réduit le rendement. Le traitement de
cette maladie est incontournable. Il peut se faire de façon mécanique,
physique, par effeuillage des régimes et incinération, ou par traitement
chimique en utilisant des fongicides. Le fruit, en tout état de cause, n’est
pas contaminé et demeure comestible. L’épandage permet un traitement rapide
de plusieurs dizaines d’hectares par voie aérienne. Ce même fongicide peut
être répandu par épandage terrestre. Il est homologué.
Outre les questions purement écologique, l’utilisation d’un traitement
chimique pose des questions d’ordre sanitaire qui sont de deux ordres : ceux
liés à la toxicité propre du produit, et ceux liés à la technique.

Risques liés à la toxicité du produit :
Dans la documentation disponible, on note comme AUTRES EFFETS TOXICOLOGIQUES
CONNUS :
« Ce produit contient un solvant aromatique dérivé du pétrole. Le
fournisseur signale que l’inhalation de concentrations élevées de vapeurs
(plus de 1 000 ppm) entraîne l’irritation des yeux et des voies
respiratoires et peut causer : maux de tête, étourdissements, anesthésie,
somnolence, perte de conscience et autres effets sur le système nerveux
central, y compris la mort. L’exposition de la peau peut provoquer une
dermatite dégraisseuse et la photosensibilisation. Dans de rares cas, le
solvant peut sensibiliser les muscles du coeur causant de l’arythmie. »

Le produit lui-même a sa propre toxicité, mais également le solvant qui est
dérivé du pétrole. Nous connaissons en pédiatrie le danger de l’ingestion et
de l’inhalation du pétrole chez l’enfant, entraînant des atteintes graves
des poumons. Dans ce document il est question de « troubles au cerveau et de
possibilité de mort. et de troubles cardiaques qui peuvent être graves ». «
Cancérogénicité : l’exposition prolongée de souris à des doses élevées de
propiconazole a donné lieu à une augmentation des tumeurs au foie chez les
mâles. Le propiconazole n’est pas considéré cancérigène.

Mutagénicité : les études de mutagénicité standard n’ont révélé aucun effet
mutagène ni génotoxique. Autres substances affichant des effets toxiques
synergiques avec le produit : aucune » Si on se réfère à l’exemple du
chlordécone la cancérogénicité n’est avérée qu’après une exposition longue
de 30 ans, et le chlordécone n’est pas mutagène. Un produit peut entraîner
un cancer sans causer de mutations génétiques. Enfin, dans la documentation
disponible en préfecture, on trouve ( BANOLT ligne 11) : « Parmi les
produits de dégradation il y a du dioxyde de carbone. Le produit est lié à
un solvant contenant des hydrocarbures… « Il a une toxicité connue pour
les poumons… Peut entraîner une pneumonie chimique mortelle. La
bioaccumulation est inconnue » et au paragraphe 16 « Peut être mortel en cas
d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires. » Ce qui
signifie que l’utilisation de ce produit supposerait d’énormes précautions
pour protéger la population.

Risques liés à la technique d’épandage :
Le second point qui pose question est la diffusion par épandage aérien,
c’est à dire par pulvérisation de particules très fines dispersées par voie
aérienne sur les régimes de bananes, qui peuvent aussi atteindre par vents
favorables les habitations avoisinantes et les personnes qui circuleraient à
proximité à pied ou en voiture. Ce produit largement dispersé dans
l’atmosphère lors de son utilisation (évaporation jdispersion par le vent)
pose un grave problème, aussi bien pour la santé humaine que pour la faune
et la flore. Il retombe dans un deuxième temps sur le sol, qui contient déjà
de très nombreux pesticides persistants dont le DDT et le chlordécone, et
l’on sait que leurs effets sont potentialisateurs. Il se retrouve enfin dans
la nappe phréatique et dans les cours d’eau, eux-mêmes déjà hautement
pollués, et contribue à la destruction des espèces aquatiques, ce qui est
d’ailleurs spécifié dans la fiche toxique du produit.

Des personnes pourraient être exposées au propiconazole en buvant de l’eau
du robinet, en particulier dans les régions utilisatrices où ce fongicide
est présent dans l’eau de consommation courante et dans les aliments. Les
particules aériennes contenant le produit actif peuvent être extrêmement
fines, de l’ordre du milliardième de mètres (les nanoparticules), et ont la
particularité de franchir la barrière alvéolaire et de se loger dans les
poumons sans aucune possibilité naturelle d’élimination. Les particules
d’huile de paraffine, comme celles de pétrole, peuvent se retrouver dans les
cellules pulmonaires pendant de longues années et entraîner éventuellement
des pneumopathies chimiques, ccomme cela est clairement indiqué dans un des
documents consultables à la préfecture.

Les nanoparticules ont en outre la particularité de franchir la barrière
cutanée qui habituellement est imperméable. Malheureusement, comme pour les
pesticides, les insecticides et les polluants organiques persistants, les
effets induits ne se manifesteront pas à court terme, mais au bout de
nombreuses années, et les quelques recherches permettant l’autorisation de
mise sur le marché ne tiennent nullement compte de ces risques à long terme.

Quelle solution : Le traitement mécanique par effeuillage des régimes et
l’incinération

La cercosporose noire affecte seulement les feuilles, pas les fruits, qui en
tout état de cause ne sont pas contaminés et demeurent comestibles. La
filière banane serait pénalisée, mais l’homme martiniquais serait préservé.

L’exemple du MEDIATOR doit rester présent dans les mémoires. Aujourd’hui que
nous savons notre sol martiniquais gorgé de plusieurs centaines de produits
chimiques nocifs, il est temps de déclarer un moratoire sur l’utilisation de
toute autre substance chimique, quelle qu’en soit la raison. C’est ce qui
s’appelle le principe de précaution. L’absence de preuve de risque n’est pas
une preuve de non risque.