S.O.S Crèches

Pas assez de structures et voilà qu’une d’entre elles, doit fermer ses portes.
Le problème des crèches n’est pas nouveau en Martinique, pas plus qu’en Guadeloupe. Il est même récurrent.
Le point dans ce dossier.Elles se rendent à la crèche. Mais elles ne franchiront pas le portail. La remise des clés a eu lieu dans la matinée. Elles savent que c’est une page de leur vie qu’elles tournent aujourd’hui. Elles qui on travaillé toutes ces années, ici, au contact des touts petits.
La plus ancienne a 18 ans d’expérience dans l’établissement.
Le Tribunal de Grande Instance vient de prononcer la liquidation des Bisounous de Chateauboeuf.

En regardant une ultime fois la crèche, elles ne peuvent s’empêcher de ressentir de l’amertume. « Nous avons été lésées, comparé à Ste Thérèse », déclare Céline Charler, la responsable technique de la crèche de Châteauboeuf. Les deux structures de Ste Thèrèse ont obtenu un sursis le temps de trouver des repreneurs.

En attendant, la ville de Fort de France s’est engagée à assurer la continuité du service.
Mais pas de sursis pour les Bisounous de Châteauboeuf.
Il faut dire que le passif de cette crèche privée est plutôt lourd.
Depuis un an, le gérant peinait à payer ses 7 salariés. Retards de paiement à répétition…pourtant, les filles ne s’attendaient pas à ce que la situation soit à ce point catastrophique, jusqu’au 26 janvier où elles apprennent la demande de mise en liquidation judiciaire. Et encore, elles n’étaient pas au bout de leur surprise, les parents non plus d’ailleurs.

Blandine a placé son fils aux Bisounous de Chateauboeuf depuis qu’il a deux mois et demi. Aujourd’hui, son bébé a 21 mois. Les Bisounous c’est comme une deuxième famille pour Blandine.
Elle avait confiance dans ce que lui affirmait le gérant : «Il nous disait qu’il est victime de la CAF ! ».

Blandine comme tous les autres parents et le personnel a fini par connaître le fin mot de l’histoire, la veille de l’audience au tribunal. La Caisse d’Allocations Familiales a gelé les prestations des Bisounous de Chateauboeuf car l’établissement n’a pas d’agrément depuis 2007, pas d’assurance pour les locaux non plus. En clair, la structure ne serait pas conforme.

La nouvelle est tombée comme un couperet lors d’une réunion avec la Caf et le Conseil Général.

24 familles se retrouvent sans solution de garde pour leurs enfants. Elles pourront peut-être espérer une place à Ste Thérèse mais les premiers arrivés seront les premiers servis. En tous les cas, pour Blandine, pas question de mettre son fils à la crèche de Ste Thérèse. Il va falloir prévoir une nouvelle adaptation pour son enfant, bref reprendre tout à zéro. Et puis, Châteauboeuf, c’est bien pratique pour Blandine qui réside en commune et travaille au centre ville de Fort de France. La crèche se trouve à mi-parcours, pas besoin de faire de détour.
De toute façon, quelle que soit la solution, ce sera toujours le parcours du combattant, vu le manque de structures d’accueil pour la petite enfance en Martinique.
C’est le lot de toutes les crèches privées aux Antilles: toutes ou presque toutes seraient dans le rouge.

C’est toujours le même problème. Les établissements privés ne peuvent compter que sur les prestations de la CAF et les paiements des parents. Pas de subvention des collectivités locales, ou à titre exceptionnel et cela ne couvre qu’une maigre partie du budget.
Dans ces conditions, comment faire face à toutes les dépenses, payer loyers et salaires en temps et en heure ? Mission impossible.
Les crèches privées de l’Hexagone sont toutes cofinancées par les communes et elles déclarent ramer quand même.

Manuella Leury est la gestionnaire de deux nouvelles structures, une crèche et un jardin d’enfants, au quartier Ste Catherine à Fort-de-France.
Pour elle, le problème réside dans le manque de volonté politique : nos élus se désintéressent totalement de la situation des crèches en Martinique. L’accueil de la petite enfance ne fait pas partie de leurs priorités.
Les deux établissements que Manuella Leury dirige, ont ouvert en septembre. « Les Calinous » ainsi que « Cannelle et Vanille » accueillent au total, une quarantaine d’enfants. Contrairement à la plupart des crèches privées de l’île, ces deux structures ne sont pas sous le régime PSU (Prestation Service Unique).
Manuella Leury a fait le choix de faire sans les prestations de la Caisse d’Allocations Familiales.
La crèche et le jardin d’enfants dépendent exclusivement des parents qui paient plein pot chaque mois : 520 euros.
Manuella Leury affirme vouloir éviter les problèmes financiers en chaîne. Les prestations de la CAF seraient versées en différé, ce qui mettrait les crèches dans une situation délicate et finirait par les plonger dans la spirale infernale des impayés et des avis à tiers détenteur.

Une autre crèche a décidé de voler de ses propres ailes.
Située dans la commune de Ducos, Pomme D’api a ouvert ses portes le 1er février, avec une vingtaine de bambins pour 5 salariés seulement. Très peu de personnel, il faut limiter les coûts. Mais d’ici septembre, la crèche du quartier de Petite Rochelle devrait embaucher pour pouvoir accueillir une soixantaine d’enfants.

En Guadeloupe où les crèches sont aussi un sujet sensible, les syndicats montent régulièrement au créneau. Le conflit des crèches est récurrent.
Dernier épisode, lors de la liquidation de l’établissement Bambino Village, à Jarry en 2010. Selon les gestionnaires de la structure, le budget 2011 s’annonçait déficitaire.
Mais selon l’intersyndicale F.O / U.T.A.S-U.G.T.G, cette liquidation n’est qu’une « nouvelle stratégie de certains employeurs de la petite enfance…à transformer les structures actuelles en établissements totalement privés,…avec des prestations élevées ».

Les syndicats mettent aussi en cause la responsabilité des élus absents du financement des crèches et dépourvus d’une réelle volonté politique concernant la petite enfance, ainsi que le désengagement de la Caisse d’Allocations Familiales, malgré le plan de financement mis en place en octobre 2009, par une commission ad hoc. Ce plan prévoit des aides financières de la CAF et du Département sur 12 ans.

Face au manque crucial d’établissements et à l’absence d’implication des élus, les parents victimes de cette situation, n’ont pas d’autre solution que de payer le prix fort pour la garde de leur bout’ choux, pendant que certaines crèches se lancent dans des paris audacieux pour assurer leur survie.
Une situation qui dure depuis des années et qui ne tient plus qu’à un fil. Jusqu’à quand ?