D’où vient le Carnaval ?


La fête bat son plein

L'édition 2013 du Carnaval s'est achevée la semaine dernière. Chaque année, les jours gras nous offrent 5 jours de festivités. C'est l'un des moments les plus attendus de l'année en Martinique. Mais d'où vient cette institution culturelle et festive ?

Le mot Carnaval vient de l'italien" carnevale" et veut littéralement dire : "entrée en carême". En France, le mot "carnaval" apparaît pour la première fois en 1549. Il était également appelé "carême-prenant". Il débute à l'Epiphanie (6 janvier) et s'achève habituellement le jour de Mardi gras, veille du carême.

Ses ancêtres sont les "saturnales" romaines et les fêtes dionysiaques en Grèce.

Son apparition aux Antilles

Le carnaval fut introduit dans les Antilles par les colonisateurs. Au tout départ, seuls les colons fêtaient le carnaval, puis les esclaves s'y adonnèrent à leur tour. Les esclaves y apportèrent leur culture d'origine, à travers leurs masques, leurs chants, leurs musiques. Ils y ajoutèrent leurs propres mythes et croyances.

Un esprit de liberté

Pour les esclaves, la période de carnaval devint vite un moment de liberté et de défoulement. Il était un exutoire aux frustrations insupportables de leur condition d'esclave. A l'instar des batisseurs de cathédrales, qui n'hésitaient pas à se moquer des grands de ce monde à travers certains bas-reliefs présents dans les cryptes, les esclaves pouvaient aussi trouver l'occasion de se moquer de leurs bourreaux esclavagistes, le temps d'une fête.

Cette pratique satirique se donne encore à voir sur les chars, les politiques ayant remplacé les esclavagistes dans les sujets de moquerie.

 

Des origines à nos jours

Petit à petit, cette période, précédant le carême et ses privations, devint une pure tradition des Antilles. La culture et les traditions des esclaves en firent une célébration-défoulement plus festive, un moment de l'année particulièrement attendu pour oublier les turpitudes du quotidien.

Au cœur de ces traditions, apparurent des personnages présents chaque année.

Les Diables Rouges

Ils représentent les esprits malicieux qui hantent les Caraïbes. La légende veut qu'ils prennent apparence humaine afin de se mélanger aux simples mortels durant les festivités. Ils aiment taquiner la foule. Leur origine se retrouverait au Sénégal, lors de cérémonies d'initiation.

Les Guiablesses (diablesses)

Elles sont habillées, en général, en noir et blanc, en signe de deuil. Ce sont elles qui vont enterrer le totem Vaval, roi du Carnaval. Traditionnellement, il est brûlé le dernier jour, au son du Ka (son du tambour).

Marianne la peau figue

"Marianne la peau figue" est un personnage faible. Il est celui dont on veut se moquer car mou, sans personnalité. Il est comme la "figue martiniquaise" : sans consistance. Les feuilles séchées de cette banane sont d'ailleurs utilisées pour fabriquer son costume.

Les neg gwo siwo (nègres gros sirop)

Si vous assistez au Carnaval dans les Antilles, vous les croiserez sûrement. Un rencontre très surprenante pour les non-initiés. Enchaînés et enduits de mélasse de canne à sucre mélangée à de la suie, ils se fraient un chemin, au cœur du carnaval, à travers la foule, qui s'écarte sur leur passage pour ne pas être salie.

Ils sont surtout un symbole de l'histoire caribéenne, et plus particulièrement de l'esclavage.

Ils sont la vivante mémoire de ce génocide terrible.

 

Les Touloulous

Aujourd'hui associés au Carnaval de Guyane, les "touloulous" trouvent pourtant leur origine en Martinique. Ces femmes portent un déguisement richement paré, ne laissant entrevoir le moindre centimètre de peau. Elles se rendent méconnaissables afin que les voisins, collègues, etc… ne puissent rompre le charme.

Ce sont elles qui invitent les hommes à danser… voire plus, à l'origine.

Certains rapportent que c'était un moyen pour les femmes de la haute société de s'aventurer vers des contrées érotiques…

Vaval

Il est le Roi. Il préside le cortège et donne le ton des festivités. Il est inhumé le Mercredi des cendres. Une fois brûlé, il faut attendre un an et une nouvelle édition afin de revoir le Roi "Vaval".

Les "Vidés"

Ils forment de véritables marées humaines, mélangeant le cortège officiel et le public défilant dans les rues. Quasiment abandonnés dans les carnavals métropolitains, ils en incarnent le véritable esprit.

Même si des carnavals comme ceux de Dunkerque ou Nice sont réputés en France, les "vidés" antillais garantissent une authenticité de la tradition et un spectacle sans précédent, pour celui qui n'a jamais vécu un Carnaval en Martinique.

 

 

Une aubaine touristique

L'édition 2013 a vu la présence de nombreux touristes, qui avaient déserté les destination d'un Maghreb jugé trop instable. Ils ont ainsi pu découvrir une part des traditions martiniquaises, à travers les festivités carnavalesques. Haut en couleurs, véritable exutoire à la crise, le Vaval 2013 a ravi les touristes, qui ont pu se méler à la fête et goûter à l'hospitalité martiniquaise.

Beaucoup d'entre eux déclaraient vouloir revenir l'an prochain, certains trouvant des similitudes avec le carnaval de Rio de Janeiro, eu égard à sa profusion de couleurs et à l'enthousiasme énergisant de ses danses.

Rendez-vous en 2014

Le Carême tout juste entamé, il faudra attendre un an avant de revoir le Roi Vaval. Les touristes devraient revenir nombreux.

A n'en pas douter, le bouche à oreille devrait fonctionner, tant les souvenirs qu'ils emportent sont comme un peu de soleil caribéen offert par la population martiniquaise.

D'autres traditions antillaises les attendent, nombreuses et toutes aussi festives.

 

François LABETOULLE