Christine Arron : merci… et chapeau !


Christine Arron lors de son sacre et de son record d’Europe aux championnats d’Europe de 1998 à Budapest.


L'adieu aux stades et à la compétition de Christine Arron, signé dimanche, sonne comme la fin d'une ère enchantée : celle des champions guadeloupéens d'athlétisme qui ont trusté les podiums internationaux, durant de longues décennies… mais beaucoup moins aujourd'hui. Hommage à une (très) grande championne.

À 39 ans, la “Reine Christine" a mis un terme à une carrière internationale d'athlète exceptionnelle de longévité : 15 années au plus haut niveau du sprint mondial !

Avec une caractéristique notable, en ces temps troublés de contrôles anti-dopage mortifères pour la carrière de nombreuses grandes “pointures” fauchées en plein ciel de gloire (Marion Jones chez les femmes,  Ben Johnson chez les hommes, en savent quelque chose !) : la championne d’Europe (100m – 1998), championne du monde (4x100m – 2003) et médaillée olympique (4x100m – 2004) n’a jamais été contrôlée “positive” aux nombreux contrôles subis tout au long d’une carrière où elle a brillé sur les plus grands stades et sur tous les podiums mondiaux.

Récompenses confisquées

Avec le recul, cette seule précision marque l’injustice d’une destinée de championne qui n’a reçu ni l’audience internationale, ni l’hommage national (pas encore ?) que son talent, sa rigueur d’athlète et son engagement sans faille au service de l’équipe de France auraient dû lui voir réservés. Sans même évoquer les primes et juteux contrats de sponsors, qui viennent justement couronner les grands exploits d’athlètes mondiaux projetés sous les feux de la gloire sportive, mais qui lui sont, de fait, passés sous le nez.

Au terme d’un “parcours” aussi emblématique, d’une trajectoire athlétique et humaine aussi exemplaire, la reconnaissance publique d’avoir été “l’athlète la plus rapide du monde” lui a, en effet, été confisquée du seul fait d’avoir croisé sur sa route une certaine Marion Jones.

La multi-médaillée “championne” américaine (5 médailles olympiques aux JO de Sydney en 2000 : 100m, 200m, 4x100m, 4x400m, longueur, reconnue athlète de l’année par l’IAAF en 1997 et 1998, entre autres…), archi-célébrée et multi-sponsorisée, a fini sans gloire, en octobre 2007, par reconnaître s’être dopée aux stéroïdes dès 1999. Ses plus grands titres mondiaux et olympiques lui ont tous été retirés.

Convaincue de parjure dans le scandale Balco, après avoir purgé une peine de 6 mois de prison ferme, en septembre 2008, au pénitencier du Texas, elle serait aujourd’hui ruinée, ayant dilapidé les millions de dollars gagnés grâce à ses “exploits” sportifs.

Les vraies valeurs

La “Reine Christine” n’aura, pour sa part, que l’insigne satisfaction de s’être retirée “proprement” d’une aventure sportive qui lui aura beaucoup apporté, humainement, symboliquement. Mais sans doute, aussi, beaucoup retiré, en termes de reconnaissances méritées.

À l’heure de la nécessaire reconversion, à l’aube d’une retraite sportive bâtie avec une rare opiniâtreté et un vrai courage, sa constance dans l‘excellence et sa fidélité dans le respect des valeurs de son sport, auraient mérité, aujourd’hui, de n’être pas seulement salués, mais plus justement récompensés.

Si la championne n'a pas été “prophète en son pays", une (petite) satisfaction a pu lui venir du tout récent hommage rendu… à sa beauté en se voyant désignée "Sportive la plus sexy du monde" par les lecteurs du magazine anglophone Glam'Mag, dans son numéro de janvier 2013 sorti cette semaine.

Au niveau français, elle avait tout de même été "élevée" au grade de Chevalier de la Légion d'honneur (la belle affaire !), dans sa promotion du 14 juillet dernier, pour bons et loyaux services rendus à la Nation sportive reconnaissante.

Celle qui reste, depuis 1998, recordwoman d’Europe du 100m (10”73) et qui aura donné l’exemple à quelques générations d’athlètes antillais, a donc mis un terme à sa belle carrière pour bâtir le plus beau des projets : donner naissance à un deuxième enfant (le premier, Ethan, a déjà 10 ans), et se lancer, brevet d’éducateur sportif en poche, dans le coaching “Sport et Bien-être”, avec la satisfaction du “devoir” accompli…

Pour toutes les émotions sportives, toute la fierté partagées par de nombreux passionnés d’athlétisme, par d’innombrables Antillais de naissance, d’esprit ou de cœur, de toutes origines, toutes tendances et disciplines confondues, tout au long de ces années, Christine : merci… et chapeau !

 

Pour la beauté du "geste" sportif, et retrouver l'émotion de son record d'Europe, en 1998, cliquez ici

Pour cet autre exploit, en finale des Championnats du monde sur 4x100m, en 2003 à Paris, cliquez

Daniel ROLLÉ