Visite du Premier ministre : “Je ne suis pas le Père Noël”

Entouré de ses ministres ultra-marins, du ministre de la Ville et des élus locaux, attentifs ou circonspects, le Premier ministre s’est voulu rassurant, à l’Hôtel de Police des Abymes.

La première incursion aux Antilles de Jean-Marc Ayrault (en Guadeloupe, les 27 et 28 juin, après la Martinique, le 26 juin) aura pris des allures d'opération séduction à destination des élus locaux, et de séquences électoralistes d'apaisement auprès d'une population légitimement inquiète des tensions qui pèsent sur son économie et de l'avenir promis à sa jeunesse, en crise de violence avancée.

L'heure est grave. L'inquiétude monte. La colère gronde. Aux rythmes des angoisses et frustrations croisées de citoyens antillais sevrés de signes économiques positifs, gavés d'alarmants constats en matière d'insécurité et de délinquance tous azimuts, les paroles prononcées par le Chef du gouvernement se voulaient manifestement apaisantes, aux détours des nombreuses rencontres populaires, des communications et autres points de presse qui ont émaillé sa toute première visite en terres ultra-marines. Mais les chiffres sont têtus…

Insécurité républicaine

Ne serait-ce qu'en matière de sécurité publique, par exemple : depuis le début de l'année en Guadeloupe, 24 personnes tuées dans des circonstances violentes (chiffre porté à 30 depuis le “carnage de Tabanon” – non compté le suicide de David Ramassamy). Pas mal pour un premier semestre, serait-on tenté d'ironiser ! Mais là où les divers syndicats de Police (UNSA, Alliance, Unité SGP de FO) espéraient un geste gouvernemental à la hauteur de leurs espérances, et de l'ampleur d'une délinquance qui explose – 60 postes supplémentaires pour une remise à niveau nécessaire -, l'hôte de Matignon place le curseur à 27.

Et encore, pas tout de suite. “Ridicule” ; “le Premier ministre est venu se moquer de nous et des Guadeloupéens” ; “il est inadmissible qu'on nous demande d'attendre le 1er janvier 2014 pour nous envoyer ces nouveaux postes” ; “nous nous attendions à une annonce forte. 27, ce n'est pas suffisant” ; “nous sommes déçus”. La tonalité générale des réactions policières était à l'inverse mesure des grandes espérances des intéressés.

Côté forces de gendarmerie, ce sont “75 militaires de plus qui se verront confier des missions de sécurisation et de lutte contre la délinquance, dans les zones urbaines sensibles de Pointe-à-Pitre et les Abymes”, a promis un Jean-Marc Ayrault consensuel, résolu à lâcher du lest pour rassurer, et assurer du soutien du gouvernement une population inquiète de cette flambée des violences urbaines.

Du côté des élus locaux concernés, si pour les deux partenaires de Cap Excellence, Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pitre, “le Premier ministre a été au-delà de ce que j'attendais…”, et Eric Jalton, maire des Abymes, “ces mesures vont dans le bon sens en cette période de pénurie budgétaire au niveau de l'Etat”, le son de cloche était plus réservé du côté d'Ary Chalus, maire de Baie-Mahault : “Je ne peux pas dire que je suis satisfait. Il faudra voir quand tout cela se mettra en place…”.

La faute aux autres…

“Nous avons hérité d'une situation financière très dégradée”, a rappelé le Premier ministre, lors de son discours citoyen à l'Hôtel de Police des Abymes, le 27 juin. Une manière d'attaquer le bilan du précédent locataire de l'Elysée et ses ministres affidés, pour mieux se défendre d'attentes budgétaires irréalisables, en l'état actuel des finances publiques. Des attentes qui ne pourront, de toute façon, pas être satisfaites avant “au moins 5 ans” !

“Je ne suis pas le Père Noël !”, avait encore cru bon de préciser un Jean-Marc Ayrault mi-figue (créole) mi-raisin (hexagonal). Mais qui pouvait vraiment en douter, parmi les élus rassemblés autour de ses nombreuses tribunes en terres “françaises” d'Amérique ?

Entre espoir déçu et circonspection attendue, et loin des effets d'annonce pour de meilleurs lendemains, l'horizon économique ne cesse de s'obscurcir. Quant à l'avenir électoral réservé à certains…

Daniel ROLLÉ