« Journée noire » pour le vol TX 304 d’Air Caraïbes


L’ATR d’Air Caraïbes, "incriminé" dans la mésaventure du "vol des Indignés"…

Les passagers du vol TX 304 d'Air Caraïbes n'oublieront pas de sitôt les déboires qu'ils ont connus, ce lundi 28 Janvier, à l'aéroport Aimé Césaire, en Martinique. Des turbulences en cascade vécues en salle de (très longue) attente d'abord, puis à bord d'un appareil prévu pour décoller de Fort-de-France à 15h15, mais finalement arrivé sur le tarmac de l'aéroport Pôle Caraïbes du Raizet à 20h10, au terme d'un cauchemar éveillé pour les plus obstinés, les plus exaspérés… ou les plus indignés. Histoire vécue.

Le cauchemar des passagers du vol TX 304 d'Air Caraïbes au départ de Fort de France – direction Saint-Martin, via Pointe-à-Pitre, aura duré plus de 5 heures. Tout commence ce lundi 28 Janvier 2013, dans l'après-midi. Rien ne prédit aux quelque 70 passagers concernés qu'ils vont se retrouver victimes de ce que certains n'hésiteront pas à qualifier de "véritable mascarade" de la compagnie, les mettant au final en danger dans un avion d'abord annoncé comme étant en panne, et tout juste réparé…

Patience et longueur de temps…

Avant même d'embarquer, plus de 4 heures avant le décollage effectif, la seule information dont disposent alors les voyageurs est que l'avion espéré aurait 3/4 d'heure de retard. Prévu pour un décollage initial à 15h15, il devrait, selon la compagnie, décoller à 16h05. Comme tout vol subissant ce type de retard, désagréable, mais tout de même admissible pour la majeure partie des passagers, cette information désorganise néanmoins la réception a posteriori des voyageurs, chacun ayant prévu l'heure d'arrivée à Pointe-à-Pitre, 45 minutes plus tard, et par conséquent contraints d'alerter leurs contacts sur place.

Comme dit comme fait, tous les passagers effectuent donc leurs formalités de police à l'heure dite, soit 15h30, pour se retrouver en salle d'embarquement comme pour tout vol, entre une demi-heure et 3/4 d'heure avant l'heure du décollage. Dès lors, les quelque 70 passagers concernés sont en situation d'attente, et n'auront plus aucune information de la part de la compagnie quant à leur départ effectif.

L'heure de décollage arrivée, rien ne se passe. Entretemps, d'autres passagers prévus sur le vol suivant, toujours pour la même destination, viennent augmenter le nombre des "victimes". Toujours aucune information à l'horizon. À 17h, alors que la grogne enfle, un agent de comptoir vient finalement annoncer que le retard doit se prolonger jusqu'à 18h30.

Confinés depuis trop longtemps en salle d'embarquement, les plus indignés perdent patience, prenant à parti l'agent de comptoir. Sous la pression des passagers excédés, ce dernier n'a alors d'autre alternative que de délivrer aux plus volontaires des attestations d'un retard de plus de deux heures. Un document censé permettre à ceux qui le souhaitent de ressortir de l'aéroport, pour de nouveau réserver une place sur un vol ultérieur, un autre jour. Sans aucune précision sur les prochaines dates disponibles. Sans que ces infortunés ne soient pris en charge par la compagnie, dès lors qu'ils se retrouvent malgré eux débarqués.

Le siège social, dont dépendent les agents d'Air Caraïbes de la Martinique, se trouve en Guadeloupe. Une décision d'urgence doit – c'est promis ! – être prise.

Interrogé par nos soins, l'agent de permanence consent quelques précisions : compte tenu du retard de plus de deux heures, les passagers seraient en droit de réclamer un "dédommagement adapté", sinon le remboursement de leur billet. Les intéressés seront tout de même embarqués sur le "prochain vol", celui de 18h30. Mais 18h30, et toujours aucun avion d'Air Caraïbes en vue à destination de la Guadeloupe !

Un malheur n'arrive jamais seul…

L'espoir revient finalement lorsqu'un avion de la compagnie vient se parquer sur le tarmac de l'Aéroport Aimé Césaire. Fausse joie pour les quelque 130 passagers qui ont opté pour un transport inter-îles par la compagnie, déjà pour certains en attente depuis plus de trois heures, lorsqu'ils apprennent que cet avion ne leur est pas destiné.

D'autres passagers, ayant eux aussi choisi de voyager avec la même compagnie, mais cette fois-ci à destination de Paris Orly, sont également victimes d'un retard conséquent de leur propre avion.

Parmi ces voyageurs infortunés, des enfants en bas âge, des bébés de moins de 6 mois, et d'autres ayant, le matin même, été victimes d'un vol purement et simplement annulé. Le motif invoqué ? Une panne de l'un, puis de deux des appareils de la flotte de la compagnie. Ils sont tout simplement "basculés" sur le vol suivant. Les témoignages, oscillant entre détresse et colère, s'accumulent…

Des parents ayant laissé leurs enfants mineurs en Guadeloupe pour la journée, se retrouvent dans l'incapacité de les récupérer à l'école, les laissant du coup totalement "à la rue", faute de pouvoir les contacter, ni eux, ni qui que ce soit pour résoudre ce désagrément bien indépendant de leur volonté.

D'autres encore doivent faire appel à leur entourage pour pallier cet intolérable manque d'information. Une mère de famille nous confie avoir eu de la chance ; elle a pu joindre son mari. Celui-ci s'est, du coup, trouvé dans l'obligation de quitter son travail, pour récupérer en urgence leurs enfants.

Mais le temps passe. Les appels téléphoniques s'accumulent. Certains passagers se retrouvent du coup sans batterie pour leur téléphone et donc totalement livrés à la merci des aléas d'une compagnie contre laquelle le ton monte. Comme cette employée de l'UCPA, qui devait se rendre aux Saintes, et qui, du coup, se retrouve esseulée en Guadeloupe, sans logement, sans téléphone, et surtout dans l'incapacité de rejoindre ses collègues.

Un autre encore s'avoue déterminé à porter plainte contre la compagnie car déjà victime, à plusieurs reprises, d'une désorganisation manifeste d'Air Caraïbes, "qui frise l'incurie". Ambiance… Les limites de patience tombent, une à une…

Débordements en cascade

18h45 : ce sont donc désormais plus de 350 passagers qui sont victimes des retards et du manque d'informations de la compagnie. Impossible non plus de joindre le siège situé en Guadeloupe, les horaires de travail des équipes au sol étant depuis plusieurs heures dépassées, afin de savoir exactement ce qu'il en est.

19h00 : les passagers du vol Air Caraïbes à destination de Paris Orly sont finalement embarqués à bord de l'Airbus A 330.

19h15 : finalement, l'agent de comptoir vient annoncer que deux avions de type ATR doivent atterrir dans les toutes prochaines minutes.

19h30 : les passagers, excédés et nerveusement épuisés, du vol TX 304 embarquent finalement dans leur avion à destination de Saint-Martin via l'aéroport Pôle Caraïbes.

Mais l'affaire ne s'arrête pas là…

Parmi les passagers particulièrement remontés compte tenu du désagrément et de la situation, deux Saint-Martinois n'ont pas particulièrement respecté les places qui leur étaient attribuées sur ce vol. Les détenteurs des dites places réclament leurs sièges. S'ensuit une altercation entre les passagers. L'un des deux passagers pour Saint-Martin profère alors insultes et injures racistes à destination de l'occupant légal du siège où il s'était précédemment installé, au point d'aller jusqu'aux menaces punitives les plus extrêmes à son égard.

L'avion s'apprête à décoller, mais le passager éructant toujours sa rage ne décolère pas. L'équipage tente bien de lui faire entendre raison, sans grand résultat. L'hôtesse de bord alerte donc le pilote. Impossible pour elle de maîtriser l'individu. Le pilote décide de faire demi-tour, avant le décollage, se résignant à retourner sur le parking afin de faire débarquer l'incontrôlable, toujours hors de lui.

L'homme est au final débarqué par la gendarmerie après négociation. Mais ses bagages sont toujours à bord. Après quelques minutes, l'homme est finalement ré-embarqué… et tout simplement placé dans la cabine de pilotage ! Les menaces proférées ont fait leur petit effet : il avait annoncé que s'il devait plonger avec l'avion, tous les passagers plongeraient avec lui !

Le vol des Indignés

Les passagers du vol Air Caraïbes TX 304 en croient à peine leurs yeux et leurs oreilles : les voilà tous à la merci de la capacité d'un homme à se calmer ou non, face à un personnel de bord totalement débordé par ces errements en cascade. Renseignements pris auprès de l'hôtesse, le forcené doit son retour à bord – et à une place aussi sensible que celle du poste de pilotage ! – à sa conversation avec les gendarmes, qu'il aurait convaincus d'accepter son retour à ces conditions !

Nul n'est pourtant censé ignorer que les aéroports de France – et donc d'Outre-mer, sont tous placés sous les ordres drastiques du plan Vigipirate. Comment comprendre de tels errements ! Un tel manque de rigueur et d'organisation ! Une telle perte de contrôle face aux prévisibles conséquences d'un tel déficit de dialogue et d'explications attendues par des passagers excédés et stressés ?

C'est peu dire, au final, que les supposées 35 minutes de vol qui séparent Fort-de-France de Pointe-à-Pitre à bord de la "compagnie régionale" se sont insupportablement rallongées, au point de s'écouler sous très haute tension. Une tension propice à tous les égarements, à d'inacceptables infractions à la sécurité bien comprise des usagers.

Les infortunés passagers d'un Vol TX 304 à garder en exemple de l'intolérable ont finalement atterri à Pôle Caraïbes, à 20h10. Soit plus de 4h30 après l'heure de décollage initial. Quelques minutes plus tard, le vol d'Air Caraïbes suivant, prévu à 17h30 pour la même destination, venait à son tour à atterrir.

Cette "journée noire" en terre de "compagnie débordée" aura au moins servi à convaincre tous les usagers concernés que la compagnie régionale n'était pas en mesure, ce jour-là, de remplir ses engagements les plus contractuels à leur égard ! Comprendra-t-elle, à son tour, que la plupart ne souhaitent plus jamais embarquer à bord d'un vol affichant l'enseigne "Air Caraïbes" ?

Ce "vol des Indignés", de sinistre mémoire, n'aura en tout cas guère contribué à favoriser la légitime démarche de toute compagnie aérienne confrontée aux turbulences que lui promet un ciel de crise extrême, en marché hautement concurrentiel : redorer son blason.

N.B. : Dûment contactée par notre rédaction, au titre de son légitime droit de réponse, afin d'exprimer son point de vue sur une situation vécue de l'intérieur par notre rédacteur, et sur des dysfonctionnements qualifiés de "récurrents" par certains voyageurs, la direction d'exploitation de la compagnie Air Caraïbes n'a pas (encore ?) donné les suites promises à nos sollicitations…

Jean-Marc RABARIJAONA / Daniel ROLLÉ